Traits en Savoie
Vous êtes ici : Accueil » Patrimoine » Les chevaux des mines. » L’organisation : chiffrer l’effort et le travail (suite). Les chevaux des (...)

L’organisation : chiffrer l’effort et le travail (suite). Les chevaux des mines (8).

D 6 mars 2013     H 11:22     A Traitgenevois     C 0 messages


La pente, l’entretien des galeries mais aussi l’aérage peuvent influer considérablement sur le rendement des chevaux des mines.
Le tableau ci-dessus donne déjà une idée de l’incidence ces facteurs sur les résultats.
Ces chiffres de transport présentent de très grandes différences. Cela tient à ce que les premiers sont pris dans des mines de Rive-de-Gier qui en général sont mal aérées et où la mobilité du sol ne permet pas d’avoir des chemins en très bon état (1).
Mais c’est le docteur vétérinaire André Delleau qui précise le mieux les effets d’un mauvais aérage des galeries.
il donne les résultats en tonnage kilométrique utile pour des chevaux travaillant à deux étages différents d’une même mine.
Les résultats du tonnage kilométrique utile (T.K.) par cheval et par jour s’établissent comme suit :
Pour l’étage 170
Petits chevaux : T.K. 16,692
Grands chevaux : T.K. 29,668
Pour l’étage 240 :
Petits chevaux : T.K. 17 ;140
Grands chevaux : T.K. 37,037
L’étage le plus profond obtient de meilleurs résultats. La raison en est que l’étage 240 est " entrée d’air" alors que celui à 170 est "retour d’air" et que les chevaux travaillent dans une atmosphère déjà viciée par l’air passé au 240 et saturée d’humidité. (Photos 4 et 5 ). La qualité de l’air se révèle ainsi une donnée importante lorsqu’il s’agit d’estimer les capacités de chevaux.
 
La pente des galeries sera un des paramètres à prendre en compte.
Dans la mesure du possible la pente sera descendante de la taille à l’accrochage. Elle facilitera le transport des "pleins" sans trop pénaliser la remontée des "vides". De nombreux calculs seront entrepris afin de calculer la pente optimum.
Dans le bulletin de l’Association des ingénieurs de l’école de Mons, Mr Cornet se livre aux calculs suivants :
"...cet angle correspond à une pente par mètre de 0m 007563. Avec cette pente un chariot pour se diriger soit à charge vers le puits soit à vide vers
l ’exploitation exigera un effort de 3k 384. Un cheval exerçant un effort moyen de 55 kilg pourra traîner 16 chariots ou 4 8/10 de tonneaux en parcourant pour sa journée 19440m dont 9720 à charge et 9720m à vide. L’ effet utile à l ’exploitant en tonneaux transportés à un mètre sera de 46656 tonneaux.
 
Supposons que la pente de la galerie au lieu d’être de 0,007 par mètre soit de 1 centimètre. L’effort que le cheval devra exercer sera en descendant de 2k 25 par chariot et en montant de 3k75. A vide le cheval pour n ’exercer qu ’un effort d ’environ 55 kilg traînerait 15 chariots ou 4 5/10 de tonneaux. Son travail utile pour la journée sera de 43,746 tonneaux.
 
A un centimètre et demi de pente l ’effort à la descente sera nul mais à la remonte il sera de 4k 50 par chariot le cheval n’en traînera que 12 ou 3 6/10 de tonneaux Son effet utile journalier sera de 34,992 tonneaux"
 
Avec la pente de 2 centimètres il faudra enrayer à la descente l ’effort à la remonte sera de 5k 25 par chariot. Le cheval traînera 11 chariots ou 3 6/10 de tonneaux. Son effet utile deviendra 32,076 tonneaux."
 
Dessins Jacques Urek (3). © Sylvain Post.
 
L’auteur se livre ensuite à des calculs sur des pentes plus fortes qui, bien entendu, arrivent tous à la même conclusion : une pente trop importante est néfaste aux chevaux dans leur travail. Il indique aussi que le poids à vide des charriots est à prendre en compte.. Et bien sûr, plus il est important et moins il y aura de charbon transporté.
Pour compenser ce manque il faudrait augmenter le nombre de chevaux au travail. G.L. Cornet fait le calcul : il suppose un effet utile journalier de 800 000 tonneaux à un mètre.
Sur une pente de 0,0075 avec des charriots d’un poids à vide de 150kg et une charge de charbon de 300kg il faudrait 17 chevaux.
Avec une pente de 0,0055, un poids à vide 260kg et 300kg de charbon, 25 chevaux seraient nécessaires.
D’où des dépenses supplémentaires pour l’exploitation avec, pour le transport par chevaux, une dépense annuelle d’environ 36 500 francs dans le premier cas et 53 700 francs dans le deuxième.
Si la pente, dans les mêmes conditions, passe à 0,025 les frais deviennent respectivement 66 000 francs et 99 000 francs. Il insiste donc sur le soin a apporté à la bonne exécution des galeries et au choix des wagons. (2).
 
Tout comme Amédée Burat en 1855, E. Boissier signale, en 1895, une pente de 5mm par mètre comme étant la plus favorable couramment admise. En 1926,la pente moyenne est de 8mm par mètre d’après A. Deleau.
 
Malheureusement le tracé d’une galerie de mine n’obéit pas aux même contraintes qu’un route.
Par endroits,le tracé peut remonter au cours du trajet ou au contraire la pente peut s’accentuer. Dans le premier cas le cheval devra soutenir un effort supplémentaire pour franchir la partie montante, dans le deuxième cas il faudra freiner le convoi.
Or peu de wagons sont munis de freins. il faut ralentir les berlines avec un système de cales mises en place par le charretier. Celui-ci, sachant qu’il va avoir à faire face à une pente nécessitant un freinage, est parfois tenté de mettre les cales en début de parcours condamnant son cheval à tirer un convoi freiné sur tout le trajet.
 
La mine est un milieu qui se modifie. Soit par des affaissement du toit de la galerie soit par un soulèvement des sols. Dans les deux cas les travaux de restauration de la section risquent de modifier la pente dans un sens ou dans l’autre.
Le problème de la pente est donc complexe et les solutions sont des compromis et soumises aux aléas de la mine.
 
Pour pénétrer dans la mine, cette voie ferrée fait un coude serré.© Collection Yves Paquette.
 
De la même manière, les courbes ne peuvent pas toujours être optimisées en vue du transport.
 
Le docteur Boissier s’est livré à d’autres mesures pour déterminer l’effort nécessaire au démarrage avec un chargement de 4 wagons pour un poids de 5300kgs. Voici la moyenne des mesures qu’il a obtenu.
1- Sur une voie horizontale l’effort est de 345kg soit 65kgs par tonne.
2- Sur une voie en pente descendante de 5 à 10mm l’effort est de 318kgs soit 60kgs par tonne.
3-Sur une voie en pente ascendante de 5 à 10 mm l’effort est de 397kgs soit 75kgs par tonne.
D’autres essais ont porté sur l’augmentation de la charge sur une même pente montante de 1 centimètre par mètre.
1- Avec 1 wagon l’effort est de 270kgs soit 180kgs par tonne.
2- Avec 4 wagons l’effort est de 479kgs soit 90,5kgs par tonne.
3- Avec 8 wagons l’effort est de 485kgs soit 47kgs par tonne.
 Il constate que pour une charge qui augmente de 1 à 4, l’effort par tonne diminue de 1 à 2.
 Après E. Boissier, Sylvain Post précise le processus :
"Au démarrage l’effort nécessité par l’ébranlement d’une telles masse (ici l’auteur parle de 16,8 tonnes) peut paraître extraordinaire.
En réalité ce démarrage est fractionné. Les 12 berlines d’un convoi classique ne forment pas un tout rigide "et le cheval se met le plus lentement possible sur traits de manière à diminuer cet effort" observe Pascale Kientz-Lanher. Le crochet d’attelage de deux berlines leur laisse, l’une par rapport à l’autre, un jeu longitudinal de 35 à 40 centimètres. Avant le départ le conducteur veille à ce que les tampons des berlines soient en contact les unes avec les autres. Le cheval se mettant sur traits ébranle facilement le premier wagonnet. Celui-ci parcourt quarante centimètres et tend le crochet d’attelage. Le cheval ébranle ainsi successivement chacune des berlines. Son effort va croissant de la première à la dernière, le démarrage des suivantes bénéficiant de l’énergie cinétique acquise par les précédentes.
Si pour une raison quelconque la première tentative de démarrage échoue, le conducteur, avant de la de renouveler, a soin de rétablir l’accolement des tampons comme la première fois." (3).
 
André Deleau chiffre l’effort par tonne brute transportée de 2 à 5kgs avec du bon matériel, bien entretenu et sur une voie horizontale et droite.
 
Dans la pratique les convois se composeront de 5 à 20 berlines.Le musée de Lewarde indique une moyenne de 12 berlines de 500kgs. Les chiffres avancés varient selon les époques et les avancées techniques.
De même G.L. Cornet avance un effort de 55kg en 1860 et A. Delleau un effort de 70 kg en 1926 pour un cheval. Outre le fait que nous ne connaissons rien de la morphologie des chevaux comparés, il faut bien considérer que le cheval tractionneur des années 30/50 n’a plus grand chose à voir avec celui de 1860.
 
 
Les responsables des mines vont, la plupart du temps, exercer un contrôle rigoureux du travail effectué par les hommes, les chevaux mais aussi par les mulets. (Photos 1 à 3. Utilisez le zoom pour examiner les données).
Ils vont ainsi pouvoir suivre le travail de chaque équidé.
Le chiffre de 30 T.K. utiles par poste et par cheval est retenu comme grandeur moyenne du travail fournit . Cette valeur peut varier en plus ou en moins selon les conditions de travail.
Dans son ouvrage " Notes et formules de l’ingénieur", Clément De La Harpe donne pour 10 heures de travail un rendement de 30 à 60 T.K. et cite des rendements exceptionnels de 125 T.K. dans la région lensoise sans donner plus de précisions sur les conditions amenant à de tels rendements.
 
En conclusion, nous reprendrons les conseils du docteur Boissier pour obtenir un maximum de travail des chevaux. il conseille aux utilisateurs d’éviter de surmener leurs équidés et pour cela de "Regardez l’état de votre matériel, faites entretenir vos voies, et veillez à ce que les wagons, bien graissés, roulent sur les rails et non pas sur la terre comme cela se produit trop souvent. Vous pourrez alors augmenter d’une tonne ou deux chacun de vos convois, et sans fatiguer vos bêtes..."
 
 A suivre
 
 (1) Annale des mines MÉMOIRE Sur le transport intérieur dans les mines de houille de Saint Etienne et de Rive de Gier Par M GERVOY Ingénient des mines PARIS CHEZ CAR1LIAN GOEURY ÉDITEUR LIBRAIRE 1836
 
(2) Quelques observations à propos du transport par chevaux à l’intérieur des mines. G.L Cornet . Société des anciens élèves de l’école spéciale de commerce, d’industrie et des mines du Hainaut . Bulletin N°7. Mons. Imprimerie Masquiller et Lamir. 1860.
 
(3)D’après le livre "Les chevaux de mine retrouvés" de Sylvain Post (avec la participation du docteur Pascale Kientz-Lahner et de Jacques Urek), disponible en libraire, sur commande aux Ed. De Borée Diffusion.
 
Reproduction des photos et textes strictement interdite sans autorisation.

Les cartes postales du portfolio sont issues de la collection de Mr Yves Paquette.

Portfolio

  • 01 . Relevé des transports effectués dans les mines de La Grand'Combe, (...)
  • 02 . Relevé du travail et des dépenses concernant les mulets d'Epinac. © (...)
  • 03 . Relevé du travail des mulets concernant le puits de La Garenne en mars (...)
  • 04 . Tonnage kilométrique utile à l'étage 170 d'une mine pendant une (...)
  • 05 . Tonnage kilométrique utile à l'étage 240 de la même mine que sur la (...)