Traits en Savoie
Vous êtes ici : Accueil » Patrimoine » Les chevaux des mines. » Les effectifs et les races . Les chevaux des mines (13)

Les effectifs et les races . Les chevaux des mines (13)

D 1er juillet 2013     H 10:14     A Traitgenevois     C 0 messages


Quelles sont les principales races d’équidés que les mines ont utilisées ?
 
Il faut d’abord opérer un tri entre chevaux, ânes et mulets.
Comme Macel Mavré l’a précisé, l’on trouve les premiers plus facilement au nord du pays et les seconds et troisièmes au sud.
Mais cette généralité n’est pas un cloisonnement étanche et l’on verra des chevaux au sud et des mules au nord.
 
Louis Simonin. Le tour du monde : journal des voyages et des voyageurs. © Collection Yves Paquette.
Les mules et les ânes, nous l’avons vu, furent utilisées à Epinac, mais aussi dans d’autres mines en France : dans le Gard, dans les mines de la Loire, à Decazeville, à Faymoreau, à Cruéjouls dans l’Aveyron...
Ernest Boissier insiste sur les qualités exceptionnelles des ânes employés dans les mines : robustesse, sobriété, aptitude au travail, résistance et endurance. L’âne, selon lui, est supérieur au cheval dans bien des cas. Son utilisation dans les petites galeries serait donc fortement recommandé. Il calcule un prix de revient de la tonne kilométrique de charbon à 0,125f pour un âne contre 0,150f poiur un cheval.
Selon Zulma Blanchet, en 1867 à Epinac, l’emploie de mules serait plus économique. Il chiffre ainsi les dépenses journalières :
Pour le cheval, 18 litres d’avoine à 0,10f soit 1,80f, 25kgs de foins à 0,07f soit 1,75f, entretien des harnais et usure du cheval 0,500f. Soit un total de 4,050f
Pour un mulet, 5 litres d’avoine à 0,10f soit 0,50f, 6,5kgs de foins à 0,07f, soit 0,455f, entretien et usure du mulet 0,350f. Soit un total de 1,305f.
Mais André Deleau, en 1925 dans la valenciennois, ne partage pas ce point de vue. Il relève que là où 2 chevaux font le travail il faut 3 mulets pour la même tâche et donc 3 conducteurs.
Question de lieux et d’époques sans doute.
© Collection Eric Rousseaux.
Les mules furent beaucoup utilisées aux USA dans les mines...
La fidèle "Dolly" a eu l’honneur d’être distinguée pour tracter la première charge de charbon extraite des mines. Mines de Fairmont de l’American Coal Company (West Virginia) d’où est extrait du charbon depuis environ la moitié du 19ème siècle. © Collection Eric Rousseaux.
...ou les transports, dont le célèbre " Twenty-Mule Team". Ce train de 2 chevaux et 18 mules attelés à des charriots spéciaux transportait à travers la Vallée de la Mort (Californie-USA) le borax extrait de la mine d’Harmony.
 
 
A présent, revenons en France.
Dans les premiers temps qui suivent l’introduction des équidés dans les galeries, tout cheval peut être considéré comme apte, sous réserve d’absence de défaut rédhibitoire et qu’il satisfasse aux exigences de la mine, taille en particulier.
 
Alors qu’en 1817 Beaunier indique que les chevaux utilisés dans les mines sont de peu de valeur, Deleau en 1925 nous dit exactement le contraire. En fait ils ne parlent pas des mêmes chevaux. Ceux de Beaunier, utilisés alors en surface, n’ont pas de qualités particulières, ceux de Deleau sont issus d’élevages qui ont pratiqué une sélection rigoureuse pour offrir des chevaux au sommet de leurs possibilités....
 
Chevaux berrichons dans l’Atlas statistique de la production de chevaux en France, 1850. Eugène Gayot.
 
"Ce n’est que depuis 1821 que l’on se sert de chevaux dans l’intérieur des mines de la Loire et on en compte maintenant 250 employés de cette manière sans parler de ceux qui travaillent au jour. Ces chevaux sont de deux espèces :
1- des chevaux ordinaires de 1m 50 de taille du prix de 4 à 800 fr tirés ordinairement de la Suisse ou du Berry. Leur dépense journalière achat compris est d’environ 4 fr 2
 
2-de petits chevaux de montagne de 1m36 de taille et coûtant moyennement 3oo fr .
On les tire du Vivarais et du Velay. Ceux de la Corse et des Landes conviennent aussi très bien à cet usage ils coûtent 3 fr par jour achat compris. Il faut ajouter dans les deux cas 1 fr à 1 fr 50 c pour salaire du toucheur (le meneur NDLR). Les petits chevaux présentent de grands avantages d’abord en ce qu’ils coûtent moins quoi qu’ ils fassent avec de moindres charges la même quantité de transport et même plus vite que les autres. Ils sont bien moins délicats et moins énervés par la chaleur et le mauvais air. Enfin ils passent presque partout où des hommes peuvent marcher. Les gros chevaux conviennent spécialement pour un tirage rendu pénible par la pente ou le mauvais état des galeries lorsque d’ailleurs les bennes doivent avoir une contenance déterminée et aussi dans les descentes où on emploie le poids des chevaux pour remonter les bennes ainsi qu on le verra plus loin" (1)
 
Les cavaleries locales seront employées mais aussi des chevaux venant de fort loin.
C’est ainsi que seront importés des chevaux russes des environs de Riga.
 
Chevaux de trait Brabans.Tableau de Henry Schouten (1864-1927). Photo : Georges Jansoone (JoJan)
Dans le bassin du Nord/Pas -de-Calais le cheval belge se taillera longtemps la part du lion. Le cheval belge, au contraire de beaucoup de chevaux français de l’époque, est bien adapté au travail. "Les éleveurs belges ont amenés leur savoir-faire à un rare degré de perfection." (2)

C’est ce cheval qui formera le gros des bataillons de chevaux de grande taille. La plupart viennent des environ de Liège, de Ciney, de Neufchateau (Deleau. Déjà cité).

 
Les éleveurs français vont donc devoir relever le défi et produire un cheval capable de satisfaire la demande aussi bien pour le travail dans les mines que, surtout, pour les besoins de l’agriculture.
 
Plusieurs races vont finir par se détacher du lot pour les travaux miniers : outre le cheval Belge, l’Ardennais, le Breton et le Trait-du-Nord vont être le plus souvent achetés par les compagnies minières. Beaucoup plus rarement le Boulonnais.
 

Le Pottok fut également utilisé aussi bien dans les mines du Nord-Pas-de-Calais que dans les mines italiennes.

 
Les documents des mines restent généralement avares de renseignements sur les races des chevaux ou des ânes achetés.
 Les fiches d’enregistrement d’achat de La Machine ne précisent rien à ce sujet (Photos 1 et 2).
 
Quelques indications peuvent être glanées, comme sur ce rapport vétérinaire. "Effectifs de la Compagnie des Mines d’Anzin" au 31 décembre 1907 :
600 chevaux achetés pour 749 630 francs.
5 catégories sont différenciées selon leur taille et leur usage.
1° 316 grands chevaux de race brabançonne payés 440 445 francs soit 1394 francs par têtes.
2° 209 chevaux dits de culture, achetés 245 430 francs soit 1174f l’un.
3° 30 chevaux moyens de race ardennaise payés 29 985 francs soit 999 francs par tête.
4° 35 petits chevaux pyrénéens ou russes achetés 17 540 francs soit 501 francs l’un.
5° Enfin 10 chevaux de voiture achetés 16 230 francs soit 1623 francs par tête. (3)
 
Dans son livre , Camille Vaillot, descendu à l’âge de 14 ans à la mine à Montceau-les-Mines, indique que des chevaux bretons y étaient utilisés en 1931.
"Nous empruntons des galeries qui sont à ma hauteur, les petits chevaux bretons qui mesurent 1m60 au garrot, buttent dans les bois de soutènement..." (4)

Il semble que le cheval breton ait été majoritaire dans les mines de Saône -et-Loire (2).

La gare de Landivisiau est le lieu le plus important de l’exportation du cheval breton. En 1937 de cette gare, partirent plus de 13 000 chevaux et 18 000 en 1939. Pas tous vers les mines bien entendu. Les principales autres villes d’où sont achetés les chevaux bretons s’appellent Morlaix, Dol-de-Bretagne, Landerneau, Vannes et Rennes.

D’après un témoignage recueilli en Bretagne, ces chevaux qui partaient vers les mines se seraient appelés "les minoux".

 
Le choix se porte sur des chevaux robustes, à la musculature puissante et d’une taille compatible avec la hauteur des galeries où ils seront employés. Ils seront de préférence brévilignes.
Les sabots feront l’objet d’un examen particulier. La nature des sols fait que ne peuvent être acceptés des chevaux aux pieds fragiles.
 
En 1925 André Deleau répartit les chevaux utilisés en trois catégories :
-Les grands chevaux de 1m57 à 1m65, de 575kg à 800kg Prix d’achat de 6000 à 6800f
-Les moyens chevaux de 1m48 à 1m57, de 500 à 550kg Prix de 4500 à 5000f
-Les petits chevaux max 1m48 moins de 400kg Prix de 3400 à 3600f
 

Aux mines de La Machine, les grands chevaux sont affectés à l’extérieur. Ce sera par exemple le cas pour Buiffalo : 1m67, Rachelle : 1m68 et Rita : 1m68

Un relevé portant sur 45 équidés ayant travaillé dans les mines de La Machine, nous indique que 5 étaient des ânesses, 9 des ânes, 15 des hongres et 16 des juments. Il n’y a pas d’entier affecté bien qu’ils aient été parfois utilisés dans les mines.

 
Quelques chiffres nous renseignent sur les effectifs des mines selon les périodes et les localisations.
 
En1841 sur le bassin de Rive-de-Gier , 485 chevaux sont employés. 376 au fond où travaillent 1730 hommes et 109 en surface avec 565 ouvriers et ouvrières pour une production de 455 000 tonnes de charbon. (1)
 
En1892 la Compagnie de Vicoigne et de Nœux (Nord/Pas-de-Calais) emploie 172 chevaux répartis sept fosses. Cette année là il y eut à déplorer 9 morts parmi la cavalerie, 37 chevaux ont été réformés et vendus. (5) Cette compagnie fait travailler en 1890, 3500 hommes, 400 enfants et 139 femmes pour une production annuelle de 939 000 tonnes de houille.
 
Les mines de La Machine employaient en moyenne un cinquantaine de chevaux et un vingtaine d’ânes.
En 1830 ils sont 12 à tirer des charriots au fond des puits de la Nièvre. L’effectif s’étoffera ensuite et les ânes feront leur apparition. Le nombre d’équidés chute à partir de 1940. Ils ne sont plus que 24 au sortir du deuxième conflit mondial et 3 en 1955. En mars 1956 Domino est le dernier cheval de La Machine à remonter. Lisette sera la dernière ânesse en janvier 1957. (6)
 
En 1925, année du pic d’utilisation des équidés par les compagnies minières, la population des chevaux au fond des mines est estimée à 10 000 têtes. Fosse Gayant à Waziers aujourd’hui disparue. Photo : Autrot..

A cette époque là, il y avait plus de 100 chevaux à la fosse Gayant, dans le Nord.

 

Les photos 3 et 4 permettent d’examiner l’effectif des mines de Cessous (Gard) durant les années 1933 et 1937. Le nombre de chevaux et ânes est stable à peu de chose près. La plupart des chevaux et ânes présents en 1933 se retrouvent en 1937. Il est possible de constater à travers ces documents les disparités qui existent dans l’utilisation des équidés selon les bassins de production. En Lorraine la réduction des effectifs de chevaux est déjà bien engagée en 1937 (voir plus loin).

© Collection Yves Paquette..

Le document ci-dessus montre l’évolution des effectifs dans la bassin de la Loire dans les années cinquante. Le nombre de chevaux travaillant en surface devient plus important que celui des chevaux travaillant au fond. Nous y reviendrons.
Ces effectifs sont à comparer avec ceux de 1841 qui donnaient 485 chevaux dont 376 au fond et 109 à la surface.

 
C’est dans le livre de Sylvain Post que l’on peut trouver la meilleure illustration de l’évolution des effectifs dans les mines françaises. L’apogée de la présence des équidés dans les mines se produit bien en 1925/1927.
 
Les chevaux de mine en Lorraine
1829- 9 chevaux à l’extérieur pour l’exhaure à Schoeneck.
1865- Descente du premier cheval , au puits St Joseph, à Petite-Rosselle.
1876- 68 chevaux dans les mines de charbon, fer et de sel d’Alsace-Lorraine.
1920- Une centaine de chevaux à St Fontaine et l’Hôpital.
1925- 75 chevaux à La Houve.
1927-360 chevaux dans le bassin houiller lorrain dont :
 108 à Petite-Rosselle,25 à Merlebach-Cuvelette, 53 à La Houve.
1930- 37 chevaux à Petite-Rosselle, 28 à La Houve.
1934- 37 chevaux dans le bassin houiller lorrain dont 28 à Petite-Rosselle.
1938- 37 chevaux dans le bassin houiller lorrain dont 8 à Petite-Rosselle.
1939- 29 chevaux dans le bassin (effectif de fond).
1946- 8 chevaux au fond à Merlebach-Cuvelette.
1947- 4 chevaux à Petite-Rosselle et 8 à Merlebach-Cuvelette
1952- 4 à Merlebach-Cuvelette et 2 à La Houve.
 Derniers chevaux de La Houve ; Marty, Méphy, Félix, Faro.
1954- 19 chevaux dans le bassin houiller lorrain, dont 4 à Petite-Rosselle.
 Dernière remontée à Petite-Rosselle.
1956- 5 chevaux dans le bassin houiller lorrain, dont 1 à La Houve.
 Dernière remontée à La Houve.
1960- 2 derniers chevaux de fond du bassin houiller lorrain, à Merlebach-Cuvelette.
 Derniers chevaux- Cuvelette : Coquette, Henriette,Jacqueline, Gaby.
Vouters : Max, Roubaix, Bijou, Schimmel.
1962- Dernière remontée officielle à Merlebach. (2)
 

En 1960, il ne reste que 130 chevaux au travail dans les mines françaises (2).

 

A suivre.

 
(1)Sur le transport intérieur dans les mines de houille de Saint Etienne et de Rive dc Gier Par M GERVOY Ingénieur des mines
Annales des mines. RECUEIL DE MÉMOIRES SUR L EXPLOITATION DES MINES PARIS CHEZ CAR1LIAN GOEURY ÉDITEUR Ï IBRAIRE 1836
(2) D’après le livre "Les chevaux de mine retrouvés" de Sylvain Post (avec la participation du docteur Pascale Kientz-Lahner et de Jacques Urek), disponible en libraire sur commande aux Ed. De Borée Diffusion.
(3) Centre Historique Minier/Lewarde.
(4) Mineur de Montceau - Les mines : Mémoires. Camille Vaillot "Les Dus". Editions l’Harmattan. 1997.
(5)www. centriris.fr
(6) Dossier de presse de l’exposition "Chevaux et ânes de la mine". La Machine avril/septembre 2012.
 
 

Reproduction des photos et textes strictement interdite sans autorisation.
Les cartes postales du portfolio sont issues de la collection de Mr Yves Paquette.

Portfolio

  • 01 . Fiche d'achat de la jument Elégante. La vie à la mines de cette (...)
  • 02 . Fiche d'achat de l'ânesse Lisette. Musée de La Machine.
  • 03 . Effectif des mines de Cessous en 1933. Sur ce document les races des (...)
  • 04 . Effectif des mines de Cessous en 1937. En 1933 il y a 14 chevaux et 5 (...)