Traits en Savoie
Vous êtes ici : Accueil » Patrimoine » Les chevaux de halage. » Bateaux et chemins de halage. Les chevaux de halage (3)

Bateaux et chemins de halage. Les chevaux de halage (3)

D 1er juin 2014     H 09:46     A Traitgenevois     C 1 messages


agrandir

C’est une lapalissade, mais s’il y a des voies navigables, il faut naviguer dessus.
De cette évidence naissent un certain nombre de besoins et de contraintes.Des bateaux vont être nécessaires.
Avant de nous intéresser au halage proprement dit, nous allons essayer d’y voir un peu plus clair en ce qui concerne les bateaux qui circulaient sur les voies d’eau. Certains de ces bateaux,dans leur version modernisée, y circulent d’ailleurs encore.
Nous verrons plus loin que l’évolution des gabarits des bateaux a eu une grande incidence sur les divers modes de propulsion de ces unités.
Examinons rapidement quelques bateaux fluviaux que nous rencontrerons en parlant du halage. Parler de bateaux est le plus simple et permet d’éviter les confusions.
La péniche est un bateau particulier avec des caractéristiques bien définies.
Péniches amarrées. Image issue du blog Histoire et Patrimoine des Rivières et Canaux
La péniche est d’origine flamande. Ses dimensions sont de 38m50 voire 39m de long pour un largeur de 5m05. Elle peut transporter jusqu’à 350 tonnes de fret. C’est ce bateau qui est à l’origine du gabarit Freycinet dont nous avons parlé précédemment. Un ancien batelier m’a confié que la vraie péniche est en bois.
Mode de propulsion : halage, voile.
Péniche navigant sous sémaque. Image issue du blog La batellerie
La sémaque est une voile qui était utilisée lorsque l’orientation de la voie d’eau par rapport au vent était favorable à son utilistation. Dès que les deux directions divergeaient, il fallait amener la voile. Elle était souvent utilisée en appoint du halage ce qui soulageaient les haleurs à la bricole ou les chevaux qui tractaient le bateau.
Des bateaux plus petits naviguaient sur le canal du Berry, les berrichons ou flûtes berrichonnes.
Croisement de deux berrichons et d’une péniche flamande.La différence de taille est bien visible. Image issue du blog Histoire et Patrimoine des Rivières et Canaux
Ces bateaux étaient adaptés aux dimensions du canal du Berry (gabarit 27m75 par 2m70), ce qui ne les empêchait nullement de naviguer ailleurs. Les berrichons ont des longueurs qui vont de 24m à 27m50 pour une largeur de 2m30 à 2m60. Ils peuvent porter jusqu’à 100 tonnes.
Mode de propulsion : halage.
Il y avait également des flûtes construites spécialement pour le canal de l’Ourcq (28m par 3m),celui du Nivernais (30m par 5m05) ou d’autres canaux de Bourguignons (30 à 35m par 5m05 maximum selon les canaux).
Une flûte de Bourgogne de la compagnie HPLM à Sens. Image issue du blog Histoire et Patrimoine des Rivières et Canaux
Mode de propulsion : halage.
Ces bateaux de la H.P.L.M. étaient appelés "les mille guenilles" par les mariniers à cause des vielles bâches qui les recouvraient (1).

Deux chalands de Loire accouplés à une sapine. Détail de la « Vue d’Orléans prise de la rive gauche de la Loire sur la levée des Capucins » par Charles Pensée. Musée de la Marine de Loire.Châteauneuf-sur-Loire Image issue du blog Histoire et Patrimoine des Rivières et Canaux
De part son orientation géographique et les vents d’ouest dominants, la Loire est navigable à la voile sur plus de 300km. Malgré tout il est nécessaire de recourir au halage à la remonte soit par manque de vent soit pour franchir les ponts.

Halage sur le canal latéral à la Garonne. Image issue du blog Le pays de Sault. Belcaire dans l’Aude
Le canal du Midi verra passer de nombreuses embarcations : gabarres, coutrillon, sapine du midi... Le commerce du blé et du vin y sera florissant.
Mode de propulsion : la plupart de ces bateaux recouraient au halage, quelques uns à la voile.
Rapprochons nous à présent de la Haute-Savoie. Le Rhône voyait une importante flottille emprunter ses eaux. Parmi elle, nous citerons la Seysselande (ou Ceyselande ou encore Sisselande), fabriquée à Seyssel (Haute-Savoie/Ain).
Une sisselande à la hauteur de Baix, en Ardêche, au début du XXème siècle. Image issue du blog Histoire et Patrimoine des Rivières et Canaux
Ce bateau est capable de porter 200 tonnes sur le Haut-Rhône.
Cette grande barque affichait une longueur de 25m pour 4m50 de large. La hauteur de ses flancs montait de1m50 à 1m80 (2)
Mode de propulsion : halage, courant à la descente.
Penelle fabriquée dans les chantiers du Haut-Rhône. Maison du Haut-Rhône à Seyssel. La maquette est l’oeuvre de Monsieur Jean Burgod.
La Penelle avait une longueur de 29m et une largeur de 5m. Ses flancs s’élevaient à environ 1m70 (2).
Mode de propulsion : halage, courant à la descente.
Nous reviendrons plus en détail sur la navigation sur le Rhône un peu plus tard.
Ce ne sont là que quelques bateaux. Il en existait bien d’autres. Voir ICI.
Maintenant, il va falloir faire se déplacer ces bateaux. Pour cela il est besoin d’une force motrice.
Pour descendre les fleuves et rivières, la navigation à gré d’eau (au fil de l’eau) a longtemps été la solution. Ce mode de navigation présente bien des inconvénients et des dangers mais il est simple à mettre en œuvre.
C’est une autre histoire dès qu’il s’agit de remonter le courant.
Schématiquement, pour faire naviguer leurs bateaux, les bateliers vont avoir recours au courant, aux rames, aux perches, à la traction humaine, à la traction animale, parfois à la voile, à la traction mécanique puis aux moteurs thermiques (semi-diésels, essence, diésels).
Le halage va nécessiter un aménagement plus ou moins conséquent du rivage. L’importance d’une voie de halage entretenue et la plus continue possible va se faire sentir de manière pressante à mesure que les contraintes économiques vont croitre.
L’aménagement et la réglementation des chemins de halage vont aller en s’amplifiant au fil du temps.
François 1er par son ordonnance du 1er mai 1620 impose aux riverains" la servitude du chemin de halage et en fixant son étendue à 24 pieds défendait aux riverains de mettre aucun empêchement sur lesdits rivages c’est à dire sur les 24 pieds qui devaient servir au chemin de halage" (3).
De très nombreuses ordonnances et lois modifiant et précisant ces servitudes seront prises jusque au XXème siècle.
Ainsi en 1837 le "Dictionnaire de l’industrie manufacturière, commerciale et agricole" précise : De l’emploi des moteurs animés dans le halage résulte la nécessité de leur frayer des chemins ; aussi à cet effet la loi oblige-t-elle tout propriétaire des héritages aboutissant aux rivières à laisser le long des bords 7m 79 du côté où les bateaux se tirent et 3m 24 de l’autre côté. L’établissement des chemins de halage sur le bord des rivières présente souvent de nombreuses difficultés et quelquefois est très coûteux. Cela tient tantôt à l’escarpement tantôt au contraire à un trop grand évasement du lit qui permettant de fréquentes inondations, empêchent l’établissement de tout chemin. Ces difficultés ne se présentent pas en même temps sur les deux rives de sorte que quand l’établissement du chemin devient trop difficile d un côté c’est sur l’autre qu’on l’établit. Il résulte de cela que le chemin de halage d’une rivière reste rarement sur une même rive et que les bateaux sont obligés à de fréquentes manœuvres de traversée. (4).
Nous verrons plus loin les incidences qui découlent de ces chemins discontinus.
Les personnes intéressées par ces règlements pourront se référer au livre de René Descombes "Chevaux et gens de l’eau" (5)
La construction des chemins va aussi être encadrée par documents techniques.
" Le chemin de halage doit être établi le plus près possible des rives du canal et à une hauteur telle que la corde de halage soit presque horizontale afin d’éviter les pertes de force par l’obliquité dans les deux sens. Mais d’un autre côté il faut mettre le chemin à l’abri des ondes qui peuvent être d’autant plus fortes que le bief est plus large et plus exposé vents régnants : on est convenu de rester pour la hauteur du chemin de halage au dessus du niveau maximum des eaux entre les limites 0,50m et 1,50m. La largeur du chemin de halage pour des hommes pourrait être réduite à 2 mètres ou 1,50m et pour des chevaux qui se croisent à 4 mètres et même à 5 mètres comme aux canaux des États Unis. Quelquefois on est forcé d’avoir des chemins de halage des deux côtés du canal, entre autres lorsque les vents régnants se joignent à l’action du halage pour affaler le bateau sur l’une des rives" (6)
Lorsqu’il n’y a qu’un chemin de halage il est recommandé de l’établir sur le côté qui se trouve le premier sous le vent dominant. Cette disposition fait que la tendance du bateau à se rapprocher de la rive du fait du halage sera contre balancée par le vent (7)
Certaines règles s’appliquent à des ouvrages d’art particuliers. Tel est le cas du pont-canal de Pontcysyllte au Pays-de-Galles.
Le pont-canal de Pontcysyllte. Wikipédia. Photo:Arpingstone.
"Le chemin de halage est un peu au dessus de la surface de l’eau dans l’intérieur de l’aqueduc ; il est composé de pièces de bois transversales posées sur des montants également espacés. Une rangée de pièces est adossée contre l’une des parois de l’ aqueduc, l’autre sous le bord du trottoir le plus voisin du milieu du canal. Des longrines horizontales vont dans chaque rangée d’un poteau à l’autre et sont soutenues encore par des jambes de force diagonales. Des madriers jointifs horizontaux qui réunissent les mêmes montants posent sur les longrines ; Enfin du gravier bien compact établit sur cette plate forme le chemin de halage. L’objet de ce gravier est non seulement de préserver le plancher de la dégradation que produiraient les fers des chevaux, mais d’empêcher le tremblement trop considérable qui résulterait de la marche de ces animaux sur une surface élastique ; tremblement qui suffirait pour ébranler et disjoindre avec rapidité toutes les parties du pont canal"(8).
En 1774, Pierre-Joseph Antoine ingénieur des Etats de Bourgogne dresse un tableau très critique du halage en Saône : "Le tirage des bateaux, pour remonter, est très difficile : si les eaux sont un peu basses, les bateaux touchent à tous moment ; si elles sont hautes, le chemin de tirage est submergé, par toutes les rivières et les ruisseaux, au nombre de cinquante-cinq, qui tombent dans la Saône depuis Pontailler à St Romans près la limite du lyonnais. Il serait extrêmement nécessaire de faire environ vingt ponts sur les plus considérables de ces rivières, où souvent les chevaux périssent" (9)
Au début du19ème siècle la situation sur les chemins de halage français était loin d’être plus brillante. François Aulagnier a parcouru pendant cinq ans les voies navigables françaises et belges de 1835 à 1840.
Bien qu’il ne fut pas batelier de métier, son témoignage est d’une grande importance (9).
Il raconte son expérience de navigation du Loing à l’Yonne "A la seconde remonte je partis du Loing avec un seul cheval qui hâla facilement mon batelet jusqu’à Taver ; mais depuis là la Seine décrit une courbe et même une continuation de sinuosités sur 6 à 7 kilomètres au milieu desquels se trouvent plusieurs baissiers. Là mon bateau dut s’éloigner de la rive, il fallut lâcher beaucoup de corde au cheval et indépendamment du courant qui était très rapide la corde allongée effleurait l’eau et présentait une nouvelle résistance à la traction. Le cheval qui était fort franchit ainsi deux ou trois kilomètres avec des efforts inouïs. Le chemin de halage était défoncé, empiété en maints endroits par la charrue, nulle part empierré et exposé aux inondations../.. Mon cheval était exténué et ce par 6 tonnes de jauge lorsque 150 tonnes sont traînées par un seul cheval en bonne navigation."
Il rend compte de travaux à effectuer pour simplifier la tâche de tous, chevaux compris : " Un travail important est réclamé au confluent de Montereau. Pour passer de Seine en Yonne les chevaux sont obligés à des manœuvres difficiles que l’on éviterait en reliant les deux ponts par un chemin de halage non interrompu et facile à exécuter"
La navigation et le halage sur le Doubs n’échappent pas à ses critiques : " Ailleurs aux râcles d’Orchamp, de Gouilles, de Laissey, de Chalezeule le chemin de hâlage est séparé du thalweg par des hauts fonds qui occupent les trois quarts du lit du Doubs ; il faut ou que les chevaux entrent dans l’eau ou que la traction se fasse obliquement et à une distance considérable ce qui est une double occasion de risques et de déperdition de force motrice ; cela rend les croisements difficiles d’autant il n y qu’un seul chemin de halage"
La situation n’est pas meilleure sur l’Oise : "L’Oise n’a qu’un seul chemin de halage qui n’est point planté ni empierré, qui est coupé en quelques endroits par des ruisseaux, et où les chevaux s’embourbent et quelquefois se noient. Le long du bois des Poiriers le chemin de halage s’éboule sur un grand développement en amont de Compiègne il est couvert d’ eau à chaque crue "(10).
La situation va cependant aller en s’améliorant. D’importants travaux vont être consacrés aux voies d’eau à partir du milieu du XIX ème siècle.
Image issue du blog de Daniel Debeaume.
Sur cette vue, l’on peut voir qu’un pont a été construit sur le bras d’eau adjacent et que la structure métallique du pont côté bateau a été aménagée pour permettre à la maille* de glisser dessus. L’attaque du pont est en oblique afin d’éviter un accrochage du tirage.
Le chemin est empierré et semble entretenu.
Chemin de halage à Bouziès. Photo Wikipédia par Sylvain Crouzillat
Ce chemin de halage fut taillé taillé dans une falaise du Lot en 1845 afin de permettre la remonte de la rivière. il permettait le passage de chevaux ou de boeufs qui tractaient les bateaux.
Chemin de halage empierrè au bord du Rhône à Seyssel .
C’est là un des derniers vestiges de la battellerie encore visible à Seyssel côté savoyard.
Le chemin de halage pouvait se trouver sur un seul côté de la voie navigable ce qui, nous le verrons, n’était pas sans poser des problèmes lorsqu’un bateau voulait en trémater (dépasser) un autre.
De la même manière le croisement s’opérait suivant des instructions strictes.
Les choses étaient plus aisées lorsqu’un chemin de halage se trouvait de chaque côté de la voie d’eau.
*Maille : cordage qui sert au halage. Il peut également s’appeler maillette, fintrelle,verdon
Dans le prochain article nous aborderons le halage à col d’homme.
A suivre.
La peinture de la vignette," La péniche des années 1950 en bois", est l’œuvre de Mr Claude Delcloy
Un certain nombre de textes et d’illustrations sont reproduits ici avec le consentement de leurs auteurs ou propriétaires. Merci de ne pas les utiliser sans autorisation.
(1) Martial Chantre "Des chevaux, des péniches et des hommes. Les cahiers du Musée de la Batellerie. N° 40.
(2) Maison du Haut-Rhône. Seyssel.
(3)Pasicrisie, ou, Recueil général de la jurisprudence des cours de France et de Belgique. ADMINISTRATION CENTRALE DE LA PASICRISIE BELGE .Bruxelles 1855.
(4)Dictionnaire de l’industrie manufacturière, commerciale et agricole. Volume 6. Chez J.B. Baillière. 1837.
(5)Chevaux et gens de l’eau sur les chemins de halage. René Descombes. Cheminements éditeur.2007.
(6)Programme, ou Résumé des leçons de cours de constructions. De l’art de l’ingénieur des ponts et chaussées. Paris. Carilian-Goeury et Vve Dalmont
éditeurs.1840.
(7) Programmes ou résumés des leçons d’un cours de construction. Joseph Mathieu Sganzin. Me Ve Courcier. Librairie pour les sciences. Paris. 1821.
(8)Voyages dans la Grande Bretagne. Troisième partie. Force commerciale. 1816. Bruxelles. Imprimerie C.J. DE MAT et H. REMY.
(9) Pierre-Joseph Antoine.Navigation de Bourgogne, ou mémoire et projets pour augmenter et établir la navigation sur les rivières du Duché de Bourgogne. Amterdam-Dijon, L.-N. Frantin, 1774. Cité dans le livre "Chevaux et gens de l’eau sur les chemins de halage". René Descombes. Cheminements éditeur.2007.
(10) Cet auteur est venu à ma connaissance à partir du livre de René Descombes cité ci-dessus.
...
Les descriptions des bateaux proviennent du site Histoire et Patrimoine des Rivières et Canaux. Vous y trouverez les définitions d’un très grand nombre de bateaux. Vous pourrez également vous référer à un Lexique fluvial et batelier qui permettra à tous de savoir de quoi l’on parle tout au long des ces articles.

Portfolio

  • 01 . La péniche des années 50 en bois.

1 Messages

Un message, un commentaire ?
Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

Connexions’inscriremot de passe oublié ?